J’ai été prise comme figurante dans le film « Valjean » de Éric Besnard.
Je vais raconter cette épopée, que je n’avais pas à la base, pas prévue de faire.

 

Casting

Ma fille a des projets, mais n’ose pas se lancer. Pourtant, l’année dernière, elle voulait faire une école de stylisme. Sa conseillère mission locale, lui a dit qu’il y avait peu de débouché. Donc elle a renoncé, pourtant, elle était motivée.
Alors elle a eu d’autres projets, mais elle doit attendre février mars pour s’inscrire pour septembre. Le système français est un peu bizarre…
Lorsque fin novembre/début décembre 2024, j’ai vu le casting de « Valjean  » dont le tournage se passait dans le Lubéron, je me suis dit que ça pourrait lui redonner un coup de booste.

Le lundi 25 novembre 2024, était la journée casting à Ménerbes. Les personnes intéressées devaient venir à la salle des fêtes de Ménerbes, entre 9 h et 12 h, et l’après-midi.
Nous y sommes allées, avant l’heure, il y avait déjà 15 personnes devant nous. Nous devions scanner un flash code. J’avais déjà fait des castings, cela se faisait sur papier, et j’avoue que c’était moins galère.
Toutes les personnes qui étaient chez Free, ne pouvaient pas accéder au questionnaire, car pas d’Internet.
Ma fille, qui était chez SFR, a pu remplir le questionnaire. Du coup, je lui ai dit : « écoutes, vas y, je t’attends là ».
Ma fille, Cerise, m’a dit : « non maman, on est venu à deux, remplis le questionnaire sur mon tel ».
Du coup, pendant qu’elle passait, j’ai rempli le questionnaire. Elle était huitième. J’ai demandé à la personne, si je pouvais aussi passer, car ma fille passait, sinon je devais attendre.
Je ne trouvais pas juste, que le flashcode nous ai fait perdre du temps, alors que le questionnaire papier aurait été plus rapide. La personne qui passait son téléphone pour remplir le questionnaire, aurait été plus rapide à remplir les questionnaires par ordinateur. Il y avait du monde qui ne captait pas. Je leur ai conseillé tout de même, que la prochaine fois, on remplisse notre questionnaire chez nous, pour être plus rapide. Une jeune femme m’a dit que ce n’était pas possible car ils ne savaient pas qui viendraient. 
C’est toujours possible, les figurants remplissent le questionnaire, ensuite l’agence fait une recherche le jour même, et suppriment ceux qui ne se sont pas déplacés. 

Le casting était clair, nous devions avoir les cheveux naturels, pas de tatouage. Il y avait tout de même plusieurs femmes d’un certain âge qui avait les cheveux colorés, et qui on le verra plus tard, ont été à la rencontre avec le réalisateur.

Le casting était simple, remplir le questionnaire, passer avec la directrice de casting qui prenait une photo et filmait tout en nous posant des questions.
Nous sommes restées un peu moins de deux heures et nous sommes rentrées.

 

Rencontre avec le réalisateur Éric Besnard.

Il était prévu que si nous étions prises, la deuxième sélection se faisait à la rencontre d’Éric Besnard. Le réalisateur souhaitait discuter avec les figurants.

Le lundi 2 décembre, à 19 h 44, je reçois un texto.
Ce texto m’annonce que je suis présélectionné par le réalisateur qui souhaite me rencontrer et échanger avec moi. Enfin avec nous, les figurants présélectionnés, par groupe de 8 ou 10. Le vendredi 6 décembre 2024 à 10 h 20.
J’ai demandé à ce texto, s’ils souhaitaient que ma fille vienne aussi. À la base, j’y allais pour elle. Je l’avoue, si elle ne m’aurait pas dit : « Oui, on y va », je n’y serais pas allée. Elle reçut le lendemain un mail, qui lui annonçait qu’elle n’était pas prise.

Le vendredi 6 décembre à Lagnes, a été chargé. J’attendais le livreur des commandes groupées, que je devais dispatcher. J’ai pu le faire, vite fait avant de partir. J’ai été à l’heure au rendez-vous.

Le réalisateur, très sympathique, son adjoint et la directrice de casting, nous ont expliqué un peu le synopsis.
Il nous a ensuite demandé de nous présenter et de dire pourquoi on était venu. Une personne était avant moi, elle a donné son âge. Quand ce fut à moi, je me demandais l’âge que j’avais.
Moi :  » Émilie, j’ai 42 ou 43 ans. »
Éric : « La personne a donné son âge » (la personne avant moi), « Mais, il n’y a aucune obligation ».
Moi : « tant mieux, il change chaque année et je m’en souviens plus ». (Pour ma défense, je suis née en octobre, alors en décembre. Ce n’est pas assez long pour que je me souvienne.). « À la base, je suis venue pour ma fille, mais du coup, elle n’a pas été prise et moi oui ».
Éric : » C’est l’histoire de ma vie. Pour mes études, j’ai accompagné ma copine et c’est moi qui ai été pris. Elle n’a pas été prise ».
Moi : « Je suis thérapeute en constellation familiale. ».
Éric : « Thérapeute, psychologie ou… Vous mettez les mains ? »
Moi :  » Ah non du tout. Disons, psychologie. »
Entre nous, je n’avais pas spécialement envie d’expliquer ce que sont les constellations familiales. Je n’ai que peu de contact avec la société. Bien que le réalisateur de par ses films avait l’air ouvert. Il faut lui avouer être les constellations familiales quand on ne connaît pas, c’est spécial.

Lorsque les présentations se sont terminées, on nous a donné liberté de parole pour poser des questions sur le film.
Il y a eu des personnes qui louaient des gîtes et qui ont demandé s’il y avait besoin de gîte pour le tournage.
Une personne a demandé qui jouerait dans le film. Je ne me souvenais plus trop, Alexandra Lamy, Bernard Campan et Grégory Gadebois. Ce dernier ayant joué dans le film « les choses simples » du même réalisateur. Justement, Éric nous disait qu’il avait écrit le rôle Valjean pour lui. Une jolie preuve de fidélité et de confiance.

Éric nous a expliqué que la figuration était difficile. Nous devions parfois nous lever à 5 h du matin et être sur le tournage de 5 h à 21 h. Qu’on devait savoir être seul avec soi-même et attendre des heures durant. Ne pas prendre mal que parfois, on soit dans le speed, qu’on nous place, ou l’on nous demande de changer de place.

J’ai l’habitude, mon mari, c’était cela lorsque j’ai tourné Vortex. Et le côté speed, pas très respectueux, car pris dans la colère et la rapidité, j’étais habitué. Je sais le stress des tournages pour les réalisateurs.

À la fin, on nous a dit de passer dans une autre salle, où se trouvaient deux jeunes filles qui prenaient les dernières informations, et nos mensurations.
Avant de venir, nous devions créer un compte sur un site internet de comédien, pour pouvoir être pris pour le rôle. Nous avions pu le faire de chez nous. Les jeunes femmes vérifiaient que nous l’avions bien fait.

L’annonce

Mardi 17 décembre, à 15 h 18, je reçois un SMS, qui m’informe qu’un mail a été envoyé concernant le tournage et les essayages.
Je renvoie un SMS, disant que je n’ai rien reçu, et que peut-être qu’ils se sont trompés de personne.
Un SMS m’est renvoyé pour me dire que le mail est renvoyé. Je dois donner ma réponse avant le lendemain midi. Le mail contient les dates, et me demande si je suis disponible pour jouer une figuration dans un décor village. À Oppède le Vieux. Ce qui est marrant, c’est que c’est un lieu où nous allions souvent quand ma fille était petite. Et justement, je faisais cette figuration grâce à ma fille. Les signes ne pouvaient être plus clair.

J’ai confirmé mes disponibilités pour les essayages à l’Isle sur la Sorgue, le 7 ou 8 janvier. Le tournage serait le 14 janvier 2025 à Oppède Le Vieux. Les horaires du tournage étaient entre 6 h et 19 h.
J’ai envoyé le SMS de confirmation.
J’étais prête pour cette aventure.

Horaire essayage 

Le 20 décembre, 3 jours plus tard, un sms m’informe que les essayages seront le 7 janvier à 16 h 30 à l’Isle sur la Sorgues. Un autre signe, ma famille et moi allons souvent à l’Isle sur la Sorgue. Ce sera au Belambra. J’ai eu testé le Belambra quand j’étais client mystère, il y a plus de 15 ans. Je confirme que j’y serais.

Les essayages. 

C’était à 16 h 30 au Belambra de L’Isle sur la Sorgue. Je suis à 25/30 minutes de l’Isle, je ne me suis pas trop inquiété de l’horaire, et ce jour-là, je me suis dit que j’allais partir à 15 h 45, j’arriverais large en avance.
Sauf qu’en réalité, c’était à 40 minutes de chez moi, et je ne sais pas comment je suis arrivée pile à l’heure.

J’arrive dans le petit bureau d’accueil. Audrey était là sur son ordinateur, elle me reconnaît de suite « Bonjour Émilie, désolée, il y aura du retard. On va te trouver des chaises. »
Moi : « Ok, pas de soucis »
On nous avait prévenues, les essayages faut compter 1 h 30.
Il y a trois femmes, et plein d’homme assis, ils sont 7. Il n’y a plus de place, donc tout le monde se lève, ça va très vite. Des hommes m’apportent une chaise, et pile quand je m’assois les femmes partent et certains hommes aussi.
Moi : « Vous pouvez rester, je prends juste une chaise. »
Aucune ne répond et moi pour plaisanter : « Sympa, j’arrive, tout le monde se casse. »
Un homme en rigolant :  » Non-moi, je reste ».
Et nous attendons.

Je sors mon téléphone, et même pas deux minutes après, une costumière arrive.
La costumière à Audrey : « Il nous faut une femme. »
Je regarde, c’est là que je prends conscience que je suis la seule femme. Je lève le bras : » je peux y aller ? »
L’homme qui souriait tout à l’heure me dit : « ben oui », Audrey au téléphone me fait signe d’y aller, et la costumière me montre le chemin.
Lorsque je vais dehors, je vois les femmes qui attendaient, qui discutent. Elles me regardent. À ce moment-là, je me pose la question : « Qu’est-ce qu’elles attendent ? Les costumes ou la coiffure ? « 
Il y a en effet un salon de coiffure pour les personnages, on passe en costume et ensuite en coiffure.
Mais on doit essayer d’abord les costumes. Vu qu’elles sont dehors et que la costumière ne les a pas prise, c’est que sans doute elles attendent pour la coiffure.

J’arrive dans une salle, c’est le club, enfants, ou ado, qui est rempli de cintres d’habit d’époque. Je change de monde, il y a des hommes habillés en cavalier. Ils attendent des habits de gendarmes. Il y a les costumiers. Il y a partout aussi des grands cartons qui délimitent notre loge pour se changer.

On m’amène à ma petite loge en carton, il y a une chaise, on me demande de me déshabiller. La costumière m’apporte une première robe, mais ça ne va pas, il me faut une jupe, plus longue, on ne doit pas voir mes pieds.
Moi : « Plus longue ? « 
Je pense, je vais me casser la figure si je dois être une passante.
La costumière : » Ah oui plus longue ».
Une jupe m’est mise. Ensuite un haut, puis un deuxième, et un autre, et des vestes, puis des chaussures. Bref me voilà devenu une femme de l’époque 1790.
Vu comme c’est des habits difficiles à mettre, je demande : « Le jour du tournage, vous allez nous aider comme aujourd’hui à mettre la jupe et les habits ? « 
La costumière souris : « oui, ne vous inquiétez pas, on sera là ».

Une autre costumière une peu plus âgée vient voir pour vérifier. Il faudrait changer les boutons de ma veste, on ferme la veste, ou on laisse ouvert, mais les boutons doivent être changé. On ajoute un foulard, et un autre, voilà comme ça.

C’est agréable d’être habillé et préparé. Je me regarde dans le miroir.

Les costumières : « Alors Émilie, comment tu te sens? Tu as une jupe pour danser. »
Moi :  » Oui, elle est bien la jupe ».
Les costumières : « Pour les cheveux, c’est dommage, ils sont longs et beaux, c’est dommage de les cacher ».
Elles me mettent un petit bonnet blanc.
Les costumières cachent mes cheveux dedans, et me disent d’aller voir les coiffeuses voir comment elles voient les choses.
Les coiffeuses me disent qu’il n’y a rien à changer, que pour le tournage, je me refasse mon petit chignon comme j’ai fait, on prend en photo et je repars au costume. En réalité le chignon, c’est juste je mets un élastique et je remonte les cheveux, rien de bien extraordinaire.
Les costumières me disent : « C’est bon, tu peux te rhabiller. »
Moi :  » je peux me prendre en photo avant ? « 
La costumière : « Oui vite fait ».
Je vais à ma loge ensuite pour me changer. Le souci, c’est que je ne peux pas me changer toute seule. Du coup, je ressors et la costumière, comme si elle avait oublié me dit : » Ah oui, je vais vous aider ».

Je prends ma photo, je l’envoie à mes enfants et à mon mari.

Je retourne à l’accueil, et je vois l’une des femmes qui étaient là à attendre, tout l’heure, attendait encore. L’essayage a duré pour moi, 45 minutes. Elle attendait depuis plus longtemps.
Elle me dit qu’elle avait rendez-vous à 16 h 30 et qu’il y a eu un souci de dossier, elle n’est toujours pas passée au costume.
J’attends de voir si c’est bon pour Audrey pour mon dossier. Elle me dit que je peux y aller.

Je m’attendais à rentrer tard, et ce fut très rapide. Les costumières étaient douces et bienveillantes, très sympathique. J’ai passé un agréable moment.

Pour information, quand je suis arrivée, il y avait de l’attente, et on m’a de suite proposé café, boissons, petits gâteaux. Il y avait de quoi attendre si j’aurai eu besoin d’attendre. Je n’ai pas eu besoin et tant mieux, je suis du genre gourmande et je ne voulais pas manger.

Nous avons croisé le réalisateur qui regardait un peu tout, et son assistant. Très gentils et souriant, ils parlaient aux différents figurants. 

 

 

Femme d'époque habit d'époque

 

Mardi 14 janvier 

J’attends sur les chaises et je regarde les professionnels s’installer.
Il y a un silence bruyant, c’est silencieux, malgré le bruit. Ce silence du matin où il fait nuit noire et où les sons ne font pas de bruit.
J’imprime ces mouvements de ces personnes passionnées par leur travail.
Malgré l’heure à laquelle ils ont dû se lever, le froid hivernal, il fait -7°, ils sont là souriants.
Je suis debout à les regarder, et je vois que certaines personnes ont remarqué mes observations, je ne veux pas gêner cette pièce de théâtre authentique, alors je vais m’asseoir et lire.

D’autres figurants arrivent et s’installent et d’autres professionnels aussi.
On me fait signer ma feuille d’émargement, avec mon horaire d’arrivé.

Nous ne savons pas à qu’elle nous partirons. Je sais que j’ai deux scènes, la 7 et la 10. On m’appelle pour l’habillage.

L’habillage

Une costumière, douce et gentille me fait m’installer et m’apporte les habits. Nous devions amener un damart, j’en ai un que l’essayage avait validé, mais qui n’ira pas avec le costume. La costumière s’inquiète et me dit « vous allez avoir froid ». Je lui dis : « C’est la vie. »
La costumière :  » Ça m’embête, je ne peux pas vous laisser comme cela. »
Moi :  » Mon fils est en manche courte même à cette époque de l’année. Si mon fils y arrive, je vais bien y arriver, ce n’est qu’une journée, et je suis prête à le faire ».
La costumière :  » J’ai peur que vous tombiez malade. »
Moi :  » Ce n’est pas le froid qui me fera tomber malade, si je suis malade ça sera à cause de mon mental. Vous ne serez pas responsable, ne vous identifiez pas à moi, ne vous inquiétez pas. »
La costumière : « Mais c’est mon travail de m’inquiéter pour vous, je vais vous chercher quelque chose ».
Je prends conscience, que l’identification peut avoir des points positifs. S’inquiéter pour les autres, c’est stressant pour elle, mais si en amont elle résous cette problématique, elle ne s’inquiétera plus pour moi. Si elle n’avait pas cette inquiétude, elle pourrait envoyer pas mal de figurants ou acteurs dans le froid. Et pour le coup, on va vraiment avoir froid, et ce petit haut qu’elle rajoute m’a permis de pas trop me geler en haut. Par contre les mains, mais une costumière aura donné des chaufferettes à certains figurants qui nous les passeront. Ils donneront aussi des plaids.
Elle revient avec un haut violet qu’on cachera sous les habits.
Moi :  » vous n’aurez donc plus à vous inquiétez pour moi ».
La costumière a le sourire.

Les patineuses

Dès ma sortie avec le costume, deux patineuses me prennent en charge. Les habits sont trop propre pour le film. Il faut un peu de poussière et de boue sur la jupe et le tablier.

L’assistant du réalisateur vient nous dire bonjour à son arrivée.
L’assistant: « Alors Emilie ça fait du bien quand on s’occupe de vous? « 
Moi: « oui, en plus elles sont tellement bienveillante »
L’assistant: « oui c’est rare »
Moi: » ah non ça m’arrive souvent la bienveillance ».

Dans mon métier, les personnes que j’accompagne sont adorable. Un peu comme ces professionnels.
Je prends conscience d’ailleurs que j’attirais peut être à moi ce que je vibrais. Après des années de colères, où j’attirais les personnes en colères, j’attirais enfin les personnes douce et gentille. Une belle évolution pour ma part.
En moins d’une heure, j’ai déjà deux prises de conscience. Cette journée s’annonce merveilleuse.

 Moi: « C’est quoi une grosse société qui vous embauchent? vous êtes tous de la même société?
Les patineuses: « Non, nous sommes tous intermittent du spectacle. On nous appelle quand ils ont besoin ».
Moi : « ok et donc là vous êtes tous du coin? « 
L’une des patineuse: « Je suis de paris, je suis venus ici pour le film »
L’autre: « moi je suis de marseille, c’est pas très loin mais nous logeons sur place ».
Moi: « oui, vous êtes à belambra »
Les patineuses: oui, c’est cela, vous connaissez?
Moi:  » les belambras oui car nous y avons été, mais celui de l’Isle sur Sorgue nous ne le connaissons pas trop. Je l’ai vu lors de l’essayage. »
Les patineuses: « nous sommes ici jusqu’à fin février, ça vaut le coup pour moi qui est de Paris ».

Je prends conscience de tout ce petit monde qui travaille de manière irrégulière. Ces deux mois ils seront tranquille pour le côté financier, où ils vont avoir du travail, de quoi manger, du moins le midi.
Je réalise cependant que malgré le fait qu’ils se connaissent, ils n’ont pas de lien et ne se parlent pas.
Moi:  » vous vous connaissez tous? »
Les patineuses: « Oui, plus ou moins, on se croise lors des films quand on travaille. « 

Les patineuses sont plus proche des costumières car c’est leur travail de maquiller les habits. Elles se parlent facilement. 

Ce n’est pas forcément le cas, du maquillage et de la coiffure. 

La coiffure 

Les patineuses ont terminé, et le metteur en scène m’amène chez la coiffeuse. J’ai un bonnet, et la coiffeuse doit me faire une coiffure qui aille avec le bonnet. Nous avions eu la consigne de bien laver nos cheveux.

La coiffeuse me met du savon dans les cheveux.
Moi : « C’est pour les laver, le savon ? »
La coiffeuse : « Non, c’est pour les rendre sales. Lorsque ça va sécher, les cheveux seront secs. »

Je suis déçue, dans le bonnet ça ne se verra pas. Cependant, je remarque chez tous les intermittents qu’ils ont l’œil du détail. Des choses qui vont nous paraître insignifiantes, les professionnels les verront et les arrangeront.

Le soir même, je me relaverais les cheveux, car le savon les auront rendu tout dur. Moi qui ne lave mes cheveux que tous les deux mois, je les aurais lavé deux fois en l’espace de 24h. 

La rencontre

J’ai fini à la coiffure. Je ne sais pas trop si j’aurai besoin de maquillage, je n’ai pas eu de détails. Je reste près des chaises et d’autres figurants sont présents et habillés. Nous nous regardons, nous nous sourions timidement. Certains figurants n’ont pas envie de communiquer, ils veulent juste jouer. D’autres ressentent l’envie de discuter, mais la timidité prend le dessus.

Arrive Laura, ah Laura, on sent tout de suite cette envie d’aller vers l’autre. Nous commençons à nous parler, à déjeuner ensemble. Le metteur en scène vient nous chercher pour le maquillage, mais il n’y a qu’une maquilleuse de libre, l’autre s’occupe d’un autre figurant.

J’attends, je lis mon livre.

Le metteur en scène commence à s’agiter. Il revient me voir : « Émilie, il faut passer au maquillage. »
Moi : « Les maquilleuses sont occupées. »
Au moment où je dis ça, les maquilleuses finissent en même temps.
Le metteur en scène m’amène là-bas et leur demande :
« Y en a pour combien de temps ? »
Les maquilleuses : « Dix minutes. »
Le metteur en scène : « Ok, on fait monter les enfants dans la navette. Émilie, tu monteras dans la prochaine. »
Elles se mettent à deux pour me maquiller, me rendant plus rouge, les mains salies.

La navette, c’est elle qui va nous monter au décor. Nous sommes en bas d’Oppède et le film est en haut, dans le vieux village.

Les maquilleuses finissent, je vais dans la navette, et la directrice de casting ainsi que quelques figurants montent avec nous. La directrice de casting monte pour le point de départ du premier jour de tournage. Nous apprenons donc que c’est le premier jour de tournage.

Nous montons donc, les six figurants et moi. Dans la voiture, Karine parle avec la directrice de casting et le chauffeur, comme s’ils se connaissaient. Elle a déjà fait des figurations sans doute.  

La directrice de casting, Audrey, c’est elle qui nous a filmés pour le casting. Elle était aussi présente lors de la rencontre avec le réalisateur. Pour les essayages, elle était également là, mais souvent au téléphone. Là encore, elle était présente. C’est elle qui nous envoie les mails et les textos. Elle connaît nos prénoms ; dès qu’on arrive, elle nous reconnaît. C’est agréable de ne pas avoir à se présenter cinquante fois.

D’ailleurs, je ne l’ai pas mentionné, mais tout le personnel nous appelle par notre prénom sans même que nous ayons à nous présenter. C’est comme si tout le monde nous connaissait.

J’avoue que je n’ai pas demandé le prénom de chacun. Je n’y ai pas pensé. Si on m’avait demandé mon prénom, j’aurais demandé le leur en retour, mais là, tout le monde connaît mon prénom : les coiffeuses, la directrice de casting, le réalisateur, l’assistant, le metteur en scène.

Le tournage

La navette nous a amenés au village, et là-bas, le petit café était ouvert et chauffé. C’est là que les figurants et les intermittents se retrouvaient entre chaque prise. À peine arrivée, je n’ai pas profité longtemps du petit café, car nous avons tourné la scène avec un autre figurant, Presencio, un homme à la retraite. Nous avons refait plusieurs fois la scène ; je portais un panier que l’accessoiriste m’avait passé. Le soleil venait à peine de se lever, et il faisait très froid. La vue du vieux village sur les villages alentours était très jolie. J’avais les mains glacées, mais je m’attachais à cette beauté et à mes scènes où l’on devait marcher et se croiser.

Les caméras étaient au loin, et l’on entendait « moteur, silence… action… » au loin. Je ne sais pas si ces scènes seront dans le film final, car les chaussures de Presencio avaient un petit souci technique.

Quand nous avons fini la scène, on nous a dit « allez au point chaud », et souvent quelqu’un nous ramenait pour venir récupérer d’autres acteurs. C’est à ce moment-là qu’avec les figurants, nous avons parlé. Je suis rentrée avec les doigts rouges et glacés. Une des costumières a pris mes mains et était étonnée qu’elles soient si froides. Elle a tenté de les réchauffer, et le figurant gendarme (le mieux habillé et coiffé de nous tous) a pris mon autre main pour la réchauffer aussi. Je ne sentais même plus la chaleur tellement c’était glacé. En quelques minutes, mes mains étaient réchauffées. Nous discutions avec les figurants.

Nous avons commencé à prendre quelques photos, puis à créer un groupe WhatsApp, car le seul qui avait son téléphone était Presencio, avec Monique.

Nous avons parlé de tout, des vêtements, et les femmes se plaignaient de toutes les couches sous les jupes. Ce n’était pas pratique pour aller aux toilettes. Par contre, les hommes avaient des pantalons où leur pénis pouvait sortir bien plus facilement. Nous avons ri.

Beaucoup des figurants n’avaient qu’une seule scène, la scène 7, et moi, j’avais les scènes 7 et 10. D’autres avaient la scène 8. Mais finalement, nous avons eu d’autres scènes où j’étais avec les filles, dont Laura.

Au bout d’un moment, peut-être une heure plus tard, nous prenions des photos avec Laura et Presencio, et une des costumières est venue nous chercher. On nous a donné des plaids, et nous avions tous une scène ensemble dans le village. C’était le point de départ de nos tranches de rigolades. Il faisait froid, mais moins que le matin. Entre les scènes, Laura s’est mise à danser, et j’en ai fait de même. Elle nous a proposé un jeu de mime ; de là où j’étais, un peu loin et cachée derrière un mur, j’appréciais cela.

Je n’ai pas bien compris, mais après, nous n’étions pas loin de l’heure du repas. Les figurants du matin, le gendarme et Monique, étaient partis, ils ne souhaitaient pas rester manger. On nous a dit d’attendre le repas à 11h30. La scène 10 se faisait après le repas. Les autres figurants avaient le choix de partir ou de rester, et j’avoue qu’on rigolait tellement bien qu’égoïstement, je voulais qu’ils restent. Et ce fut le cas, ils sont restés.

Nous sommes allés manger, nous avons fait plein de photos, nous avons rigolé.

L’après-midi, finalement, tout le monde a tourné pour la scène 10. Nous étions tous sur le film et nous devions voir Jean Valjean, Gregory Gatebois. C’était une belle scène pour nous dire au revoir. L’après midi d’autres figurants arrivaient. Nous avions vu d’autres villageoises. 

Le départ

À la fin de la scène, on nous a dit que la navette nous attendait. Nous sommes rentrés ensemble pour nous changer. Nous avons été aidés par les costumières et les coiffeuses pour nous aider à enlever le bonnet, les coiffures et les vêtements. J’ai retiré mon maquillage chez moi.

Nous nous sommes quittés.

 

Mes pensées

Ce qui est fou, c’est que certains sont vraiment acteurs ou essaient de le devenir par le biais du métier d’acting, en tant que figurants. D’autres, comme moi, sont là juste pour passer un bon moment. Le réalisateur nous avait parlé de l’attente, du fait que parfois on pourrait nous dire de bouger de manière un peu directe. Ayant tourné avec mon mari, j’avais même répondu : « Ce ne sera pas pire qu’avec mon mari. » Mais nous n’avons jamais ressenti de stress, ni moi ni les autres figurants. On nous a toujours parlé avec beaucoup de bienveillance et de gentillesse. Je m’attendais à une longue attente et j’avais prévu de faire mes mantras ou de lire. Je n’ai pas ressenti cette attente, la journée est passée vite. Je pensais qu’on allait mal nous parler à cause du stress, mais pas du tout.

J’ai même eu une pensée pour Grégory dans le froid, qui était sans doute dans toutes les scènes et qui a passé la plupart des scènes à l’extérieur. Il avait commencé avant nous, et quand nous sommes montés, le soleil venait de se lever. Lors d’une scène, il devait monter une pente. Il faut savoir qu’Oppède le Vieux a des parterres bien cabossés, un chemin propice à se faire une entorse. Il a fait cela toute la journée et dans cette scène où il montait, je le voyais jouer super bien. On lui a demandé de refaire plusieurs fois pour être sûrs d’avoir une bonne prise. Il l’a fait dans un silence serein. Sans oublier qu’à 5h il était au maquillage.

Mon mari, qui a fait des films, nous faisait recommencer plusieurs fois et parfois, au moment du montage, quelque chose n’allait pas et nous devions retourner la scène, sa caméra n’avait que 30 minutes de batterie. Là, je voyais qu’ils tournaient, tournaient. Quand j’ai dit à mon mari : « Je ne pense pas qu’ils garderont mes scènes, surtout la première, où je devais croiser un villageois, mais le villageois avait des étiquettes sous ses chaussures. » Mon mari a répondu : « Ce n’est rien, tu le retires au montage, moi c’est ce que je faisais. »

Quand je vois le tournage avec mon mari, où nous étions en famille, à tenir la perche (micro), tenir la caméra, jouer dans le froid ou le chaud. Refaire les scènes un nombre incalculable de fois, et mon mari qui gère mal le stress, pouvait être dur et blessant avec les enfants ou moi. Ce tournage avec Eric Besnard a été une parti de plaisir. 

Je n’en ferais pas mon métier, mais si une autre occasion se présente, pourquoi pas. En espérant que l’équipe et les figurants soient comme celle de ce film.