Le vendredi matin est le jour où l’on fait notre marché à Carpentras. Nous profitons de ce jour pour faire les courses de la semaine, le marché pour les légumes et le reste au supermarché.
Ce jour-là, mon mari est mal réveillé, ce qui arrive souvent le vendredi matin. Bien qu’il adore faire le marché avec moi, se lever le matin de bonne heure, ça pique les yeux.
Le supermarché
Nous ne savons pas pourquoi, mais le supermarché de Carpentras où nous allons, a une énergie basse.
Pourtant, il y a trente ans, son énergie brillait, mais le temps à changer et ce supermarché est tristounet.
Nous y allons par commodité, vu que l’on s’y gare pour la proximité du centre-ville, nous y restons pour nos courses. Cela évite de déplacer la voiture et de faire nos courses dans un magasin qu’on préférerait.
La longue caisse
Nous arrivons aux caisses, il y a du monde, beaucoup de monde. Lorsque j’étais clients mystères, j’ai fait plusieurs supermarchés (Auchan, U, carrefour, ..) je devais vérifier l’attente aux caisses. S’il y avait plus de trois personnes en attente aux caisses, ils devaient en ouvrir une autre. Je devais les noter sur cette attente. En règle général, tous faisaient attention. Eh bien, dans ce supermarché, nous étions les sixièmes. Une seule caisse était ouverte ce vendredi matin, jour de marché.
Nous voyons bien qu’un homme d’un certain âge est devant nous, et qu’une femme d’un certain âge l’es aussi.
Nous attendons patiemment, jusqu’au moment où la première personne paye et sort, et machinalement nous avançons. Nous ne dépassons pas l’homme sur le côté. Lui est juste devant un rayon et nous nous sommes à sa hauteur de l’autre côté du rayon, nous avançons en même temps.
La dame d’un certain âge, nous regarde et dit à l’homme, qu’elle ne connaît pas : « Monsieur avancé parce qu’apparemment… ».
Cette phrase, je ne l’ai pas entendu, je ne fais pas attention à ce que disent les gens. Cela ne me regarde pas. C’est mon mari qui me le dit par la suite. Ce que je vois, c’est la femme qui fait signe à l’homme en me dévisageant. Je suis sur le côté, mais encore derrière l’homme. Je comprends que c’est de moi qu’il s’agit, et je dis à l’homme : « oh, vous n’inquiétez pas, je vous avais vu, je ne suis pas aveugle. J’ai bien vu que vous étiez le premier ».
L’homme rigole et me dit : « Oh, je ne suis pas pressé toute façon ».
Je réponds : » Non mais moi non plus, c’est juste que je ne vais pas vous voler votre place ».
L’homme rigole et me dit : « oh, ne parlez pas de vol, c’est grave. Il n’est pas question de vol ici malheureux. »
Je ne dis rien, puis il se retourne (je fais souvent cet effet-là aux gens, ils me racontent leur vie.).
L’homme : « Il n’est pas interdit de voler, il est interdit de se faire prendre. Je l’ai appris à mes dépens il y a quelques années. J’ai volé quelques trucs, et j’ai payé un objet, je suis passé. Mon collègue lui a chargé la mule et s’est fait prendre. Il a dit que c’était moi. Du coup, je me suis fait prendre. Nous étions en galère, nous devions nous nourrir. J’ai aussi appris cette année-là, qu’il ne fallait jamais dire « Jamais ». Je ne pensais pas qu’un jour, je devrais voler. Mais quand on se retrouve en galère ».
Une caisse s’ouvre.
À la fin de son histoire, une caisse s’ouvre, une dame dit : « Une caisse va s’ouvrir ».
La dame âgée est coincée derrière les barreaux à attendre son tour. Le monsieur qui a la possibilité d’y aller, nous dit : » Ah ben allez y ». Je lui demande : » Vous êtes sûr ? Vous étiez là avant nous ». Il me répond avec le sourire qu’il reste à cette place. Il y a quatre personnes devant lui.
Mon mari et moi, nous nous engageons dans cette caisse, et nous sortons rapidement.
Dans la voiture
Mon mari : » Les femmes âgées sont méchantes. » Il m’explique ce qu’a dit la femme devant le monsieur. Je ne l’avais pas entendu.
Il rajoute : » Mais même la femme à la caisse derrière nous ».
Moi : « Il y avait une femme à la caisse derrière nous ? Je croyais qu’on était seul. Je n’ai pas fait attention. »
Mon mari : « Oui, elle n’arrêtait pas de te regarder de la tête au pied avec insistance. Et elle me regardait aussi avec insistance ».
Moi : » ce n’est pas une personne que je connais ? À qui je n’aurai pas dit bonjour ? »
Mon mari : « Non, elle te regardait avec insistance. «
Le traumatisme des femmes âgées.
Lorsque j’ai rencontré mon mari, ma grand-mère était encore en vie. Mon mari au début ne souhaitait pas la rencontrer. Il me disait que les personnes âgées, notamment les femmes, étaient méchantes.
Bien sûr, ma grand-mère n’était pas méchante, c’était la meilleure grand-mère au monde. Nous avions des discussions pendant des heures. Je l’adorais.
Il finit bien sûr par rencontrer ma grand-mère et il me dit un jour : « si j’avais eu une grand-mère comme la tienne, je l’aurai aussi adoré ».
Je n’ai connu qu’une grand-mère sur les deux, mais elle était géniale.
Mon mari a connu ses deux grand-mères (et grand-père aussi).
Les deux n’étaient pas sociables et sympathiques. L’une d’elles, celle qu’il a gardée le plus de souvenir fumait, buvait et injurier. Si lui ou son frère rigolait ensemble, la grand-mère les disputait. Persuadée, qu’ils se moquaient d’elle. S’ils parlaient, elle les disputait persuadée qu’ils parlaient sur elle. Elle passait son temps à leur faire des remarques et les disputer.
De ce fait, mon mari ne voit que des femmes qui sont comme sa grand-mère, pas sympathique et le regard méchant.
A contrario, je ne rencontre en majorité, que des femmes âgées très sympathique.
J’ai eu des rencontres avec des femmes âgées moins agréable, mais c’est anecdotique.
Dans la même scène que nous avons vécue, nous l’avons vécu selon nos ressentis. J’ai vu la gêne, mais pas entendu les paroles pour la première dame. Quant à la deuxième dame, je ne l’ai pas vu, j’étais devant le caddie, et au moment où l’on dépose les affaires sur la caisse, je ne vois personne. La dame a dû arriver après, quand j’étais en train de récupérer les affaires et que mon mari était derrière le caddie.
Les derniers seront les premiers.
De tout cela, j’ai pu voir, la discussion sincère que nous avons eut avec le monsieur.
Mais surtout, le fait que de dernier, nous nous sommes retrouvés premiers. Dépassant la dame qui pensait que l’on passerait devant le monsieur. Le monsieur qui nous a donc laissé passer avec insistance. Il aurait pu très bien se mettre derrière nous et il serait passé plus rapidement. Mais il a préféré rester vers l’autre caisse.
J’appelle ce genre d’épisode, qui m’arrive régulièrement dans ma vie. Les tests, si je réussis bien, l’univers me récompense. Le fait d’avoir écouté un monsieur qui avait besoin de parler, d’avoir rigolé avec lui et l’avoir compris. L’univers m’a laissé passer en premier.
Cet homme était sans doute un épiphane. Une personne qui est envoyée pour tester, et que l’on ne reverra plus jamais. Comme dans les mythologies, ou les légendes.
Tout au long de ma vie, j’ai rencontré des épiphanes.